une rencontre "riche" avec Valérie Leulliot, a l'aube de la parution du 4° album d'Autour de Lucie. La jeune femme confiait ses impressions à Franck, quelques jours avant le lancement de la tournée qui accompagnanait la sortie de "Faux-mouvement" en 2000.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Une fin d'après-midi à Virecourt… C'est ici, aux confins de la Vienne et des Deux-Sèvres, qu'Autour de Lucie a décidé de préparer sa prochaine tournée. L'ambiance est studieuse, les chansons sont nouvelles, complexes et le premier concert est dans trois jours, le groupe sait qu'il doit travailler… En ce moment c'est Je reviens qui est en filage…Valérie place sa voix, Fabrice règle le vocodeur, Jean-Pierre court d'un bout à l'autre de la scène pour atteindre ses pédales d'effets et Sébastien cherche du chatterton pour accrocher son triangle… Valérie n'est pas satisfaite, "On la refait, d'accord ?"… Ils la referont, trois fois, quatre fois, cinq fois… la recherche de l'accord parfait… JP, un peu inquiet, demande : "On est bien mercredi aujourd'hui ? Il nous reste bien trois jours ?"

Pendant une pause, Valérie a mis son manteau et son écharpe et a gentiment accepté de répondre à quelques questions en toute simplicité, dans les champs…

Comment s'est passé le choix de Ian Caple pour produire cet album ?

On avait assez abouti nos maquettes pour prendre quelqu'un qui fasse sonner le tout. On a regardé sur plusieurs pochettes de disques, comme tout le monde fait, quels étaient ceux qui, à notre avis, sonnaient le mieux. Dans les disques français il y avait celui d'Alain Bashung et dans les autres il y avait le disque de Tricky. Ensuite on a regardé ce que Ian avait fait et c'est vrai qu'il était vraiment à l'intersection entre musique électronique et instruments plus classiques. Par exemple, sur le Bashung, à mon avis, il a été amené à faire des mélanges entre l'acoustique et l'électronique. Donc on avait envie de travailler avec lui, pour ce côté "mélange".

C'était avant que l'album ait été enregistré ?

Non, il nous manquait seulement 2 ou 3 chansons, on avait les maquettes des autres et on lui a envoyé. On l'a appelé pour venir mixer et il nous a répondu qu'il ne voulait pas mixer mais qu'il voulait tout faire, c'est-à-dire enregistrer et mixer. On était ravis ! Les maquettes étaient assez abouties mais il fallait réenregistrer des guitares, des flûtes, des vibraphones… Et en plus il fallait trouver une osmose entre les instruments et les machines et faire que cela vive. Parce que travailler avec des machines cela peut vite devenir assez froid.

Je qualifierai cet album de lent, avec des morceaux assez longs et assez répétitifs. C'est assez nouveau cette ambiance…

Oui, je crois qu'il y a eu un vrai désir de casser les structures, ce côté finalement assez scolaire qu'on avait quand on travaillait. J'ai pas mal changé ma façon de faire des chansons. J'ai fait des chansons qui étaient basées sur 2 ou 3 accords maximum…

En fait c'est surtout l'utilisation du sampler qui nous a ouvert à d'autres méthodes de travail. Par exemple un morceau comme Je reviens où le texte se répète…

Mais c'est un morceau très classique, où il n'y a pas de machines…

Enfin il y a des machines mais elles ne sont pas en avant. On a essayé plusieurs fois d'arranger ce morceau et c'est cet arrangement classique qui lui allait le mieux. On n'allait pas non plus mettre des machines pour mettre des machines. Ce morceau ne se prêtait pas du tout à ça. Et puis je trouvais ça intéressant de faire un morceau avec un arrangement "classique"… enfin pour moi il est proche d'une musique de film…

Donc le fait de travailler avec des machines a influencé même l'écriture de morceaux plus classiques ?

C'est-à-dire qu'on en a parlé avant, ce n'est pas au moment où on s'est mis à travailler avec des machines qu'on a changé, c'est en amont qu'on s'est rendu compte qu'il fallait vraiment changer les chansons si on voulait avoir la souplesse de mettre des machines, de faire des arrangements plus barrés, plus audacieux…

Mais vous avez voulu mettre des machines parce que c'est à la mode où parce que ça fait partie de ce que vous écoutez actuellement ?

Nous on se fout complètement des modes, la preuve le premier morceau du disque… On fait vraiment ce que l'on a envie de faire et on avait envie d'entendre des sons électroniques. Sur ce disque là on s'est plus attaché aux sons jungle, drum and bass et aux rythmiques hip-hop. Il y a encore plein d'autres sons que l'on n'a pas pu explorer, des sons house par exemple, on a essayé, on a fait des versions mais ce n'était pas encore assez abouti. Mais ce n'est qu'une première étape…

Je trouve que le son de l'album est assez chaud, presque organique…

Oui, parce que l'on mélangeait à chaque fois… Il n'y a aucun morceau où il n'y a que des machines… sauf Sans commentaires, mais bon c'est un morceau un peu particulier… le texte est parlé…

C'est du rap !

Oui… enfin je ne sais pas… En fait non parce que le rap c'est le débit du chanteur. Je dirais plutôt que c'est plus une lecture sur du hip-hop… Le rap ce sont les Fabulous Troubadours, avec un tambourin ils font du rap, parce que c'est dans leur débit…

Qu'est-ce qui vous a donné envie de prendre cette nouvelle direction ?

On en avait marre de faire des arrangements assez basiques en fait. Et puis surtout on n'avait jamais eu le temps de s'y coller vraiment. Le deuxième album a été fait assez vite, on a fait beaucoup de concerts. Et puis au fur et à mesure des concerts, je me sentais de plus en plus en décalage avec ce que l'on faisait. En fait tout le monde ressentait ça mais c'est très difficile une fois que l'on est embarqué dans un truc… tout remettre en question en pleine tournée c'est impossible. Donc on a fini la tournée et on a dit : on s'arrête pendant un an et demi, on remet tout à plat, on s'achète un sampler et du matériel et on s'installe… Moi j'avais quelques chansons de prêtes, j'avais quelques textes… et à partir de ce moment là on a samplé des choses, on a écouté beaucoup de disques. En fait au lieu de jouer avec des instruments on a joué avec des samples. Des samples qu'on rejouait après ou qu'on réarrangeait, mais la matière première ce n'était plus les instruments, c'était les samples.

Il y a des samples sur l'album ?

silence… je ne peux pas en parler… rires

Quels sont les disques que vous écoutiez pendant cette période ?

Il y avait plein de choses… Fabrice est allé vers des musiques plus expérimentales… On avait des disques au local, que le Village Vert dépose là, des disques achetés dans des brocantes par paquets de 20. Donc il y a de tout, de la musique hawaïenne, de la musique d'ascenseur, des reprises easy-listening des chansons des années 70, des musiques de films, de la musique classique, de la musique expérimentale, on est allé dans toutes les directions. Chacun avait sa préférence mais on a mis tout en commun et à chaque fois qu'on arrivait sur un morceau on avait en tête nos sons et on essayait tel piano par exemple, si ça marchait ou pas…

En fait il y a pleins de samples que l'on a ralentis, déformés, mis à l'envers… Ce qui fait que ça amène un univers très fort. Cela nous a permis de nous éloigner de ce que l'on faisait avant…

Vous-vous êtes donc éloigné d'une écriture pop classique ?

Moi je n'essaie pas d'écrire de la pop ! On m'a toujours dit que je faisais de la pop mais moi j'écris des chansons en fait. Alors après c'est vrai qu'avec les arrangements et la voix douce et très mélodique, c'est assez pop… Enfin c'était parce que maintenant c'est plus ambiant, même le chant…

Ce changement n'a pas été difficile à vivre ?

Ce qui a été le plus dur c'était avant que je m'y mette. Il a fallu que je laisse de coté tout ce que je faisais avant, que je me remette en question… Je me suis interdit certaines choses par exemple, comme de mettre trop d'accords. Je m'imposais 4 accords pendant 6 minutes. Alors quand c'est ainsi on est obligé de faire des variantes avec la voix. Avant ce n'était pas la voix qui faisait les variantes, c'étaient les accords. En fait c'était surtout un travail d'écrémage, on a enlevé beaucoup avant de mettre !

Et l'arrivée de Sébastien, le nouveau batteur ?

Quand notre ancien batteur est parti, il a bien fallu le remplacer ! Sébastien n'était pas forcément meilleur qu'un autre mais il correspondait bien à ce que l'on voulait faire. Il n'est pas ancré dans un style mais au contraire très ouvert sur toutes les musiques… On a d'abord fait des concerts avec lui et au moment d'enregistrer le disque, je lui ai dis : passe si tu en as envie, essaye des choses… Et il s'est avéré que cela c'est bien passé…

Quel est le dernier disque que tu ais acheté ?

Je n'achète pas de disques c'est trop cher ! J'achète des bouquins !

Alors quel est le dernier livre que tu ais acheté ?

C'est un essai sur le changement… ça tombe bien ! C'est triste mais en musique je n'ai rien acheté récemment… Peut-être parce que je suis entourée de gens qui en achètent et donc je n'en ai pas vraiment besoin. Mais le dernier sur lequel je me suis ruée c'est celui de Tarwater, celui là je l'ai beaucoup écouté et sinon il y Permutations d'Amon Tobin que j'écoute tout le temps… C'est ça que j'écoute en fait, ce ne sont pas vraiment des chansons, il s'agit plus d'ambiances…

A propos de littérature, ça vous fait quoi d'être cité dans le dernier livre de Bret Easton Ellis ?

En fait moi je ne suis pas très cliente de Bret Easton Ellis, j'avais commencé Moins que zéro et ça m'avait complètement énervé au bout de 3 pages et je n'ai jamais poussé plus loin… Je n'ai pas lu le dernier mais on m'a raconté : le personnage principal rentre dans une boite de nuit (les Bains Douches à Paris) et là il y a un groupe qui joue et c'est nous ! On est en train de jouer une reprise des Who. C'est complètement absurde car je ne vais jamais aux Bains Douches, je n'ai jamais repris les Who et je n'aime pas Bret Eeaston Ellis !

Il y a une grosse promo autour de la sortie de ce nouvel album, qui est d'ailleurs plutôt très bien accueilli par la presse. Vous le vivez comment ?

C'est vrai que c'est assez nouveau pour nous, mais je pense qu'avant la musique était peut-être moins personnelle… On est content mais on ne s'en gargarise pas… En tout cas il n'y a pas de pression. J'espère simplement faire de bons concerts et un quatrième meilleur album…

Il y aura un quatrième album ?

Je n'en sais rien ! …rires… Là on vient de finir le troisième… on ne sait pas… On verra, on a toujours fait comme ça depuis le début : on ne dit rien et soit ça marche soit ça ne marche pas. Si on a plus envie de bosser ensemble, s'il y a trop de divergences entre nous… on ne peut pas savoir comment on sera dans 2 ans, 3 ans… Pour cet album il s'est avéré vraiment qu'il y a eu une espèce d'osmose, on avait tous envie de changer, on en avait ras le bol, on avait tous envie d'entendre autre chose. Et ensuite il s'est trouvé que l'on avait tous des spécialités différentes : un s'est plus dirigé vers les arrangements de cordes, un autre plus vers les machines… Chacun a vraiment creusé dans ce qu'il avait envie et donc nous nous sommes bien retrouvés…

A propos du texte de la Chanson de l'arbre, ce n'est pas toi qui l'as écrit ?

Non c'est Nicolas Falez de Superflu. Cette chanson est particulière car pour toutes les autres j'avais déjà le texte ou le texte et la mélodie, mais pour celle là j'avais seulement la musique, qui venait d'un sample en fait. Et je n'arrivais pas à écrire de texte, parce que justement j'avais eu la musique avant. Finalement un texte et une mélodie c'est déjà une petite musique en soit, et si j'ai d'abord la musique ça court-circuite complètement mon imaginaire. Ca m'énervait de ne pas être capable de mettre des mots sur ma musique que je trouvais vraiment bien mais qui avait déjà trop de sens pour moi. Et un jour Nicolas m'envoie des textes, dont celui là, et dès que je l'ai lu je me suis dit, ce n'est pas possible c'est ça ! Il a donc fallu réaménager et le texte et la musique pour que ça colle… C'est un texte que j'aime beaucoup, assez surréaliste…

C'est le seul texte que tu n'as pas écrit sur l'album ?

Non il y a aussi Sans commentaire qui a été co-écrit par Frédéric Monvoisin. Il a eu une idée de faire une liste de "sans"… On voulait faire une espèce de description extrêmement large de la société actuelle, donc ça va de "sans matière grasse" à "sans papier", ça ratisse très large… En lisant le journal, tout les jours on voyait quelque chose "sans", on se disait vraiment c'est l'époque du "sans"… Et pourtant tout va plus vite, tout va plus loin, mais on est de plus en plus "sans" beaucoup de choses vitales… Je me sens très proche de ce texte… En fait dès qu'on a l'idée d'un texte, on tire sur le fil et tout vient, c'est vraiment très facile… Mais le truc c'est d'avoir l'idée… Sur certaines chansons du disque il y a vraiment des idées, pour d'autres c'est plus une impression, un moment… Par exemple pour Je suis un balancier j'avais vu un petit personnage dans une vitrine et l'idée est partie de là… Sur Corps étrangers c'était plus le côté absurde d'imaginer des gens juste avec leurs os…

C'est quelque chose qui revient souvent dans tes textes, de belles apparences mais derrière, il n'y a rien…

Oui, il y a un peu de ça… C'est une critique à deux francs sur les gens qui se contentent de ce qu'ils voient…
On est entouré de gens qui se contentent de ce qu'ils voient et pas du tout de ce qu'ils ressentent… Par exemple vous rencontrez quelqu'un et l'image qu'il vous envoie suffit à beaucoup de gens… On ne cherche pas à savoir ce que la personne ressent ou ce qu'elle peut dire avec un silence, on se contente juste de la voir là et puis on va pas chercher plus loin… Et souvent il y a des personnes qui sont physiquement présentes mais qui n'ont jamais été autant absentes…

Et Le salon ?

Le salon c'était un jour où j'étais énervée ! …rires… J'ai décidé de mettre mon énervement en chanson. C'était un texte sur la passivité…

La vie de couple ?

Oui, la vie de couple, mais surtout sur le fait de se faire bouffer par la télévision. Je ne parlais pas seulement de la vie de couple, je parlais aussi de tous ces gens qui se nourrissent facilement de la télévision, qui ne sont pas actifs et qui se laissent remplir par du rien, ça m'énerve profondément…

Cette chanson est un peu différente des autres de l'album…C'est un tube en puissance !

Ca je n'en sais rien… Elle n'est pas sortie en single car pour nous elle n'est pas du tout représentative de l'album. Le salon, pour moi, c'est un peu une chanson humoristique… J'avais envie d'être vraiment directe et de dire ce que je ressentais sans mettre de formes… L'utilisation du mot "con", ça m'est venu comme ça : "assis comme deux cons", ça coulait de source …rires… alors je l'ai gardé ! En fait ce n'est pas du tout ce que je vis car je n'ai pas l'impression de vivre comme quelqu'un qui a baissé les bras, mais c'est souvent ce que je vois autour de moi… Ca m'arrive aussi de le ressentir, car je ne suis pas tout le temps en train de me dire "oh la la, ma vie est magnifique, j'ai fait le bon choix"… parfois on a des doutes, enfin même souvent… Mais j'en avais marre de ne pas être critique dans les chansons…

Trois jours et 10 chansons plus tard (tout le nouvel album sauf La condition pour aimer) les quelques spectateurs qui ont assisté à ce premier concert n'arrivent pas à y croire : Autour de Lucie est enfin devenu un grand groupe de scène… Le son est ample, Valérie n'a jamais aussi bien chanté, les versions sont proches du disque dans l'esprit mais avec des variations parfois plus électroniques ou plus bruitistes, avec une mention spéciale pour JP qui se révèle un guitariste exceptionnel (qui aurait dit qu'un jour on pourrait évoquer Sonic Youth en parlant d'Autour de Lucie ?)

"On ne peut pas tout avoir" chante Valérie sur La contradiction… Gageons que l'avenir lui donnera tord…

Franck S. a rencontré Valérie L. le 15/03/2000.

Photo portrait de Valérie@www.autourdelucie.com

Autres clichés réalisés en décembre 1997 / Confort Moderne - Poitiers (c) 1997 - François Poupin Matignon

 

 

 
 
 

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